Emilie Vast, pouvez-vous nous parler de la genèse de ce projet ? Comment passe-t-on de l'illustration et la littérature de jeunesse à la scène ? 

"Tout a débuté par un appel, celui de Thomas Siriot du Festival Le Goût des Autres. Il me proposait de venir participer à la « fête » en faisant un concert dessiné comme cela est généralement  la proposition faite aux illustrateurs. Cependant, ma pratique ne permet pas ce type de prestation car je travaille en dessin vectoriel, cette technique informatique qui relève plutôt de la construction que du geste, n’est ni très visuelle, ni poétique… Sachant que Marilyne travaillait à ce moment là sur un « kit tissu » sur la base de mon livre « Moi, j’ai peur du loup », une idée m’est venue : donner vie à ce petit monde textile avec des voix, la mienne et celle de Marilyne et des manipulations « d’objets ». J’en ai fait la proposition à Thomas Siriot qui a validé le projet."

Comment s'est passée la rencontre avec les musiciens ? Comment avez-vous travaillé pour construire ce spectacle ? 

"Une première résidence de trois jours et une première rencontre avec les musiciens Jean-Baptiste Gaudray, Sébastien Guillaume et Bernard Cochin s’est déroulée à la Fileuse à Reims. Nos univers et nos humours se sont tout de suite bien entendus !  Un debut de mise en scène et la musique y furent élaborées. La Covid, nous a valu de nous retrouver un an plus tard pour une seconde résidence au CEM (Le Havre) pour reprendre nos marques et réfléchir aux besoins techniques. Et enfin, nous nous sommes donc retrouvés pour une résidence avant spectacle au conservatoire Honegger pour élaborer au mieux notre mise en scène grace à l’intervention de Laetitia Botella, a permis la naissance ce spectacle destiné aux plus jeunes."
 

Marilyne Mahuet, c'est vous qui êtes à l'origine de ce support coloré et ludique qui sert de support visuel à l'histoire et se substitue sur scène aux illustrations du livre. Comment est née l'aventure "Histoires en l'air" ? 

"Le concept Histoires en l’air est né de rencontres inattendues et véritables coups de cœur artistiques. En effet, il y a 5 ans, j’ai décidé de créer une nouvelle manière de raconter les histoires. J’ai choisi de le faire de façon verticale, entièrement en tissu cousu main et sous la forme de kits transportables. Les enfants sont ainsi plongés dans l’univers des livres qui ouvre leur imaginaire, tout en faisant appel à leur curiosité, en utilisant un moyen d’expression multisensoriel. Je dépose la marque et le concept à l’INPI. Un premier coup de cœur a eu lieu avec les Editions 3œil (Olivier Philipponneau, Raphaële Enjary, Alice Brière-Haquet) lors d’une résidence. S’en est suivi la conception et création du premier kit « 1,2,3 banquise » puis rapidement une deuxième création, adaptée du livre « Il, elle, lui ». Aujourd’hui je travaille sur la très jolie collection Philonimo (3œil), qui aborde la philosophie pour les tous petits. Une autre belle aventure ! 

Comment avez-vous travaillé avec Emilie Vast puis plus tard avec les musiciens ? 

« La rencontre avec Emilie Vast a été un deuxième coup de cœur ! Nous nous rejoignons dans l’exigence portée à notre travail. Détails et précisions sont les maîtres-mots de nos œuvres respectives. Une vraie complicité s’est installée entre nous. J’ai d’abord adapté en kit le livre « Neige, le blanc et les couleurs ». Puis Emilie, m’a fait la proposition de travailler avec elle sur une adaptation en spectacle musical de son livre « Moi, j’ai peur du loup » pour le Festival Le Goût Des Autres au Havre. Enchantée, je me suis mise à l’ouvrage en concevant ce nouveau kit, sur fond noir contrastant avec la multitudes de couleurs et matières utilisées. Nous nous sommes finalement retrouvés tous ensemble en résidence, avec les talentueux musiciens, Jean-Baptiste Gaudray, Sébastien, Guillaume et Bernard Cochin et la magie a opéré. Nos idées ont fusé et pris vie petit à petit pour aboutir sur scène à ce merveilleux spectacle musical jeunesse, joué au Conservatoire Honneger du Havre lors du festival ! ».

Sébastien Guillaume, vous êtes professeur de violon jazz et coordinateur du département jazz au Conservatoire, comment en êtes-vous venu à rejoindre l'aventure de cette création ?

"Patrick Bacot, directeur du Conservatoire m’a contacté début juillet 2020 pour me dire qu’on l'avait sollicité pour des suggestions de musiciens en vue d'un projet jeune public au festival « Le goût des autres » 2021. A l’époque il pensait à un trio un peu tout-terrain, et c’est pour cela que je lui avais proposé mon trio Blue Clouds (avec Pierre Touquet). Pierre n’étant pas dispo, on a donc proposé à Jean-Baptiste Gaudray de le remplacer."

On vous connaît plutôt dans un registre de jazz manouche. Un spectacle jeune public, c'est assez éloigné de vos propositions habituelles. Comment se construit ce genre d'aventure musicale ?

"Nous ne connaissions pas du tout Emilie et Marilyne, et quand nous nous sommes retrouvés à Reims en novembre 2020 pour préparer le spectacle, nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre, n’ayant en effet jamais créé de spectacle de ce genre. Nous avons alors posé les bases du spectacle, en commençant par chercher une petite musique pour chaque personnage, un peu comme dans « Pierre et le loup ». Il était prévu que nous continuions notre travail au Havre en janvier 2021 pour enchainer avec les représentations prévues lors du festival, mais tout a été annulé à cause de la crise sanitaire. L’équipe du festival nous a alors proposé de nous reprogrammer 1 an plus tard."

Un an après donc, vous étiez fin prêts ? 

"Nous avons retravaillé sur le projet en décembre au CEM. Mais il manquait vraiment un regard extérieur sur notre travail. Lors de la résidence au Conservatoire Honegger est apparue Laetitia Botella, comédienne et metteure en scène, qui a vraiment apporté la touche finale au spectacle. C'est grâce à elle que chacun a pu apprendre à assumer son personnage, et le spectacle a pris une toute autre dimension !"
 

Décor, jeux de lumière, univers musical et sonore, mise en scène... L'amphi Woollett fut un écrin propice à l'imaginaire et à la concrétisation de ce projet à destination de tout-petits qui se sont réjouis dès les premières représentations ! Le spectacle a été donné à quatre reprises devant des élèves des écoles pré-élémentaires de la ville, puis deux fois à l'occasion des Rendez-Vous d'Arthur du conservatoire, et enfin à quatre reprises sur le dernier week-end du Festival, devant un public venu nombreux en famille !